About a Worker : la marque éthique pensée par les ouvriers du textile

Fatigués d’une mode tournée vers le marketing, Kim Hou et Paul Boulenger ont décidé de mettre les ouvriers du textile au cœur de leurs collections. 

Comment est née la marque About a Worker ?  (traduction : À propos d’un travailleur)

Kim Hou : C’était mon projet de fin d’étude à la Design Academy Eindhoven en 2017. Pendant cinq ans, je me suis penchée sur les problèmes sociaux et environnementaux dans la mode. J’ai toujours voulu trouver des nouveaux systèmes de production et de création, qui soient intéressants d’un point de vue esthétique mais  qui puissent communiquer sur les problèmes d’aujourd’hui. J’ai décidé de communiquer sur les ouvriers du textile, qu’on ne voit pas du tout. Après une expérience enrichissante dans les studios de création de Proenza Schouler à New York, je suis revenue en France avec l’idée de créer une marque qui permette aux ouvriers d’exprimer leur propre vision de la mode. Ces derniers ont cette capacité d’apprendre et de produire vite, mais malheureusement, aujourd’hui, ils ne sont pas autant valorisés que les artisans traditionnels. On parle souvent d’eux d’un point de vue négatif à travers des documentaires, quand il y a des grèves, ou des drames comme l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh. Ils sont vus comme un tabou dans la mode. Je me suis donc associée à Paul Boulenger (ami et ancien camarade de classe) pour lancer About a Worker.

Quel message voulez-vous faire passer ? 

Kim Hou : Pour chaque collection, l’idée est d’utiliser l’emblème d’un travailleur d’un pays spécifique. Le but de la marque est de permettre aux travailleurs du textile de pouvoir parler, d’avoir une voix, de valoriser leur savoir-faire, mais surtout de se connecter aux autres acteurs de la mode grâce à la créativité. La marque est née officiellement en 2017 avec la première collection baptisée Saint-Denis, mais le but est de collaborer avec plusieurs usines à travers le monde dans les pays émergents pour avoir un véritable impact. Je pense qu’il y a un vrai changement à faire dans l’industrie textile grâce à la création.

Pouvez-vous nous parler de la première collection ?

Kim Hou : Nous avons collaboré avec quatre personnes  de l’association Mode Estime située à Saint-Denis (93). Fadila Boubekeur, Kira Ghoul, Aïssatou Gakou, et Misbahou Yssouf préparaient un diplôme de couture. Avec nous, ils ont dû réaliser un moodboard, dessiner des modèles, choses qu’ils découvraient. Ils ont choisi de revisiter le bleu de travail, l’emblème français de l’ouvrier, du « worker ». On a leur demandé de déconstruire et reconstruire ce symbole, leur symbole. Ces modèles sont devenus les premiers prototypes de la collection « Saint-Denis ». Nous avons fait appel à un fournisseur de tissu en coton qui se trouve dans les Vosges.


Comment ont-ils réagi ? 

Kim Hou : Ils étaient ravis car c’était la première fois que l’on s’intéressait à eux. Cela a été un vrai soulagement  de pouvoir communiquer, de  s’exprimer par la création, parce que dans leur métier, ils ne sont pas forcément reconnus. Ils sont dans l’ombre. A travers About a Worker, nous nous intéressons aux hommes et aux femmes qui sont derrière les machines. C’est important car ils sont au cœur de la production. Ce sont eux qui font les vêtements. Ils sont tout aussi importants, que le patron d’une grande marque de mode ou une influenceuse mode sur Instagram…

Organisez-vous des défilés pour montrer vos collections ?

Kim Hou : Oui, mais nous allons plus loin que le simple défilé de mode pour créer une vraie connexion avec l’ouvrier. Pour montrer la collection « Saint-Denis », on a reconstruit une usine textile, où les visiteurs pouvaient s’installer derrière les machines à coudre et découvrir les portraits des ouvriers sur des tablettes iPad. Des mannequins déambulaient devenaient les messagers des ouvriers en répétant des phrases à chaque fois qu’un visiteur s’approchait.


Quel est le thème de la prochaine collection ? 

Kim Hou : Nous allons bouger de pays en pays pour chaque collection. Pour la seconde, nous sommes allés dans le chantier de réinsertion d’une prison à Venise. Nous avons collaboré avec quatre prisonnières sur le thème de la tenue traditionnelle de la dentelière de Burano.

https://www.aboutaworker.com

La Fashionerie

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